blog > corps >  Entretien avec Isabelle HUOT, experte en épidémiologie nutritionnelle et docteur en nutrition.
Entretien avec Isabelle HUOT, experte en épidémiologie nutritionnelle et docteur en nutrition.

Entretien avec Isabelle HUOT, experte en épidémiologie nutritionnelle et docteur en nutrition.

07/03/2022

Isabelle HUOT, Docteure en Nutrition

lsabelle HUOT est Docteure en nutrition – experte en épidémiologie nutritionnelle et aussi une femme d’affaires à succès au Québec. Consciente des problèmes de surpoids auxquels sont confrontés plus de 50 % des Québécois et du peu de ressources offrant une solution globale adaptée et équilibrée, elle a fondé Kilo Solution, devenu quelques années plus tard « Isabelle Huot Docteure en Nutrition », puis elle s’est associée à Equipe Nutrition avec une offre d’accompagnement dans plus de 65 cliniques au Québec. Outre des conseils personnalisés et une communication médiatique régulière pour sensibiliser à une nutrition saine, Isabelle a développé toute une gamme de produits sains. 

 » Moi je voulais surtout être missionnaire en Afrique ».

Isabelle HUOT.

Begood : Isabelle, qu’est-ce qui vous a motivée pour vous diriger vers des études puis une carrière autour de la nutrition ?

Isabelle : J’ai d’abord étudié la psychologie, puis l’ergothérapie. Mais je voulais surtout être missionnaire en Afrique. J’ai alors entendu parler d’un cours de nutrition internationale à l’université de Montréal et j’ai changé de voie toujours en vue d’aller conduire des missions en Afrique contre la malnutrition. Au cours de mes études, notamment en Suisse, mon rêve était de travailler à l’Organisation Mondiale de la Santé, qui m’a recommandé de faire un Doctorat en Santé publique « là tu auras tous les outils nécessaires pour mieux intervenir auprès des populations défavorisées ». C’est ainsi que je me suis consacrée à la Nutrition ; ma carrière a bifurqué ensuite par hasard vers les médias, où j’interviens beaucoup aujourd’hui. Maintenant, j’aide les gens à ma façon.

Begood : Chaque année émergent de nouvelles modes, de nouveaux types de régimes… Pourtant, les basiques à connaître pour une nutrition saine ne sont-ils pas toujours les mêmes? 

Isabelle 

Il y a énormément de modes, mais on revient toujours à la base : c’est le régime méditerranéen qui a recueilli le plus de preuves scientifiques quant à ses bienfaits sur la prévention de l’obésité, des différents types de cancers, de diabète de type 2, des maladies cardio-vasculaires. Les 16 pays qui entourent la méditerranée ont les mêmes habitudes alimentaires avec comme points communs beaucoup de fruits et légumes, des protéines végétales, du poisson et fruits de mer, des grains entiers, peu de viande rouge, du fromage mais peu de lait, un verre de vin rouge. C’est aussi un mode de vie, une habitude alimentaire qui est de prendre le temps de savourer le repas, en bonne compagnie, complété par de l’activité physique. On revient toujours à ces bases. 

« Un régime c’est aussi un mode de vie, une habitude alimentaire qui est de prendre le temps de savourer le repas »

Isabelle HUOT.

Il y a toujours énormément de tendances en matière de régime, comme le régime Montignac, jadis fort populaire, ou le régime Paleo. Aujourd’hui les deux tendances depuis 2/3 ans, c’est jeûne intermittent et la diète cétogène. Les études à court terme démontrent des bénéfices sur la glycémie, mais sur 12 mois, le régime céto n’est pas plus efficace qu’une approche plus traditionnelle de perte de poids. Et cette approche riche en gras peut hausser le risque de maladies cardiovasculaires.

Pour le Jeûne intermittent, avec un peu plus de preuves, si c’est bien supervisé par des professionnels, on peut mieux équilibrer l’alimentation. Mais je recommande plutôt de commencer par le régime méditerranéen qui bénéficie d’un apport modéré en glucides avec des aliments avec un indice glycémique plus faible. Ce régime ne contient pas ou très peu d’aliments ultra-transformés

Il faut surtout privilégier une approche équilibrée, sans mettre de côté des groupes alimentaires, comme le fait le régime cétogène. On peut manger de tout, sans s’interdire des aliments ou des groupes d’aliments, tout est une question de fréquence de consommation. Faire du yoyo avec son poids est vraiment déconseillé pour sa santé métabolique. C’est pire que d’avoir un léger excès de poids. Et si vous voulez perdre du poids sainement, ne perdez que 500g ou 1 kilo par semaine. Lentement mais sûrement…

Begood : Nous savons que notre environnement conditionne aussi notre façon de manger, et en conséquence notre qualité de digestion (le stress, manger à toute vitesse ou en faisant autre chose …).  Il n’est pas toujours facile de trouver le juste rythme.

Isabelle :

La façon dont on mange c’est très important. Surtout dans l’alimentation nord-américaine, très transformée, en boîte, en surgelé, les gens sont très pressés et mangent sur le coin du comptoir. On est très très loin de la diète méditerranéenne où on prend le temps de savourer des produits frais. Et malheureusement en France vous aviez l’habitude de prendre ce temps, et ça se perd de plus en plus, pareil en Grèce. Le fameux régime crétois des populations plus âgées se perd aussi, les jeunes prennent des habitudes nord-américaines et se tournent donc vers des aliments tout prêts et transformés. 

« Malheureusement en France, vous aviez l’habitude de prendre ce temps… et ça se perd »

Isabelle HUOT

L’alimentation en pleine conscience est importante, prendre le temps de s’asseoir, de déguster chaque bouchée, de prendre un moment d’arrêt, d’être dans l’appréciation de la longueur en bouche, la texture, comme si on dégustait un bon vin et qu’on prenait le temps de s’attarder sur les arômes, la longueur en bouche…. Lorsqu’on prend un morceau de gâteau et qu’on l’avale tout rond, ou en trois bouchées vite fait juste pour avoir sa dose de sucre c’est très malsain. Souvent on ne se souvient même plus qu’on l’a mangé. Il faut plutôt savourer chaque bouchée en pleine conscience.

Begood : la nutrition n’en finit pas de révéler ses secrets, les sciences nous permettent de nouvelles découvertes, comme l’importance du microbiote ou encore le lien entre les émotions et l’alimentation, menant même à de nouveaux métiers comme la psycho-nutrition. Quels sont les dernières trouvailles qui peuvent impacter notre quotidien et notre santé ?

Isabelle : Le microbiote est vraiment le sujet d’actualité. J’adore m’intéresser à la composition de notre flore, on a des centaines de milliers de micro-organismes, des bons, des moins bons. On s‘aperçoit que les personnes en surpoids ont leur microbiote moins diversifié, les personnes qui souffrent de dépression aussi. 

On parle beaucoup du lien bidirectionnel cerveau-intestin, car la composition de la flore influence le cerveau et vice-versa. Un microbiote moins diversifié est associé à l’inflammation, l’obésité, la dépression, un système immunitaire moins performant, etc. Il s’agit vraiment d’un champ de recherche passionnant, où on se dit « qu’est-ce qu’on peut manger pour bonifier, diversifier la composition de notre microbiote » : par une alimentation riche en fibres alimentaires car elles nourrissent les micro-organismes, par l’introduction d’aliments fermentés, de probiotiques avec les yaourts, le kombucha, le miso, ainsi que de prébiotiques qui sont un type de fibres qui vont nourrir les probiotiques, avec les artichauts ou les topinambours par exemple. Il y a aussi des aliments qui jouent en défaveur du microbiote, notamment tous les faux sucres qu’il faut bannir.

Begood : Adopter de nouvelles habitudes n’est pas si facile, surtout avec un rythme soutenu ou des réflexes profondément ancrés socialement ou culturellement. Comment accompagnez-vous vos clients pour les aider à évoluer dans la bonne direction et à tenir sur la durée ?

Isabelle : 

Cela demande du temps, de la patience. Il faut considérer tous les facteurs qui vont affecter la prise alimentaire, les goûts personnels, la famille, l’environnement, la façon dont on fait ses courses avec quels types de commerces alentours, le budget etc… Tous ces facteurs doivent pris en considération, et notamment l’aspect psychologique (ndlr : Isabelle est spécialisée dans tous les troubles alimentaires, anorexie, boulimie, hyperphagie, orthorexie…). Il est important de s’intéresser aux liens, à la relation qu’on a avec les aliments : est-ce pour me nourrir, par plaisir, sans faim parce que je souffre d’anxiété, de stress, de solitude… On a tendance à manger nos émotions, car manger des aliments riches en sucres et gras est très réconfortant, ils apaisent mais manger sans faim réelle peut nuire considérablement à la gestion du poids. Comprendre ces relations est le fondement de l’alimentation saine : est-ce que ma relation avec les aliments est saine ? Si elle est problématique, les régimes ne fonctionneront pas. Il faut reconnecter avec ses signaux de faim et de satiété et mieux gérer ses faims émotionnelles.

J’aime beaucoup donner des objectifs réalistes, sur la perte de poids ou l’introduction de nouveaux types d’aliments, en adoptant la stratégie des petits pas, plus motivant et encourageant. Je vois trop souvent des personnes qui veulent tout changer en même temps, c’est trop ambitieux et ne fonctionne qu’à court terme. 

Begood : Isabelle, pour finir, quelles sont les 2 ou 3 habitudes qu’il faut définitivement bannir et pourquoi ?

Isabelle : 

Souvent ici au Québec, mais j’imagine aussi en France, on a tendance à finir son repas par un truc sucré alors que la faim n’est plus présente. Le dessert est rarement nécessaire. Même un fruit ou un yaourt, c’est quand même du sucre et des calories qui s’ajoutent pour rien. Etre à l’écoute de sa faim réelle et donc plutôt attendre l’après-midi si on a une petite faim, on prendra son yaourt à ce moment-là.

Les sucres concentrés sont plus dommageables que le gras, et malheureusement, il y a énormément de sources de sucres cachées.  J’inviterai vraiment les gens à lire les tableaux d’informations nutritionnels et s’assurer que les listes sont « clean label », avec le moins d’additifs et de sucre possible (maltose, sirop de maïs à haute teneur en fructose, même sirop d’agave). L’OMS recommande pas plus de 50g de sucres ajoutés, on a tendance à en manger beaucoup plus.

« L’autre erreur, c’est le petit déjeuner … »

Isabelle HUOT.

L’autre erreur, c’est le petit-déjeuner qui a tendance à être très glucidique donc trop sucré, avec la baguette, le chocolat, la confiture, les céréales industrielles… Car tout ce sucre a un indice glycémique trop élevé, et nuit à notre niveau d’énergie pour la journée. Le matin il faut mettre des protéines, fromage, œufs, lait, boisson de soya, tofu, grains entiers, un bircher muesli par exemple. On peut prendre jusqu’à 7 œufs par semaine, attention toutefois au jambon, le choisir naturel biologique pour éviter les nitrites des jambons industriels…et ne pas faire des œufs avec plusieurs tranches de bacon ! Plutôt fromage cottage avec un pain complet, du son d’avoine avec pommes tranchées et un yaourt nature. 

Begood : si nous devions retenir qu’un seul réflexe indispensable à inscrire dans notre quotidien, quel serait-il ?

Isabelle : 

Ecouter sa faim et ne pas manger ses émotions. J’en laisse dans mon assiette si je n’ai plus faim, ce qui est un exercice très difficile car on nous a toujours appris à ne pas gâcher. Pour éviter de trop manger, privilégiez des petites assiettes, et si on a encore faim au bout de 15mn on se resservira.

« Il est vraiment très important d’avoir la moitié de son assiette composée de légumes »

Isabelle HUOT.

L’autre truc, c’est vraiment d’avoir la moitié de son assiette en légumes, c’est vraiment très important. Tous les experts en nutrition s’entendent pour dire que les légumes, c’est à volonté, plus on en a, mieux c’est, cela contribue à la prévention de nombreux types de cancer. Et des légumes de toutes les couleurs, car les couleurs sont synonymes de pigments, composés d’antioxydants super bénéfiques pour la santé. 

Begood : mot de la faim… votre recette préférée et votre aliment-santé fétiche ?

Isabelle :

La tomate ! Je suis une grande fan de tomates, je les mange toute l’année, 3 à 4 tomates tous les jours, et tous ses dérivés…avec de la fleur de sel, de la mozzarella, du basilic et l’huile d’olive. J’ai une vingtaine d’huiles d’olive d’origine différente dans ma cuisine, j’adore la déguster, comme le vin, avec ses notes herbacées, poivrées, sa longueur en bouche… La tomate est riche en vitamine C et contient du lycopène un antioxydant bénéfique mais si j’en mange autant c’est une question de goût ! Pour moi manger des tomates avec fleur de sel, c’est meilleur que des chips !! 

Articles similaires

;